Entre midi et deux à Noailles, les marchands profitent de l’accalmie pour manger un bout et se griller une cigarette, mais l’œil continue machinalement de surveiller l’étal, peu de changements par rapport à la semaine dernière, une botte d’oignons pour un euro, une botte d’épinards idem, un kilo de fèves pour 1,40 €, quelques branches de céleri 60 centimes, une botte de carottes 1,50 €, une de cébette un euro, six belles poires passe crassane de la Drôme à 1,50 € le kilo, un bouquet de persil 60 centimes, cinq pommes golden de Savoie à 1,20 € le kilo et quatre oranges de Sicile au même prix, plus loin aux halles delacroix, je retire aussi une botte de cresson de l’eau pour 1,20 €, et du jour à l’Ecaille d’argent deux merluchons pour 4,50 € à faire à la poêle à l’huile d’olive 7,50 € le kilo, je passe aussi au Libanais en bas de la rue d’Aubagne et lui prends un sachet de galettes à 80 centimes et de la mélasse de grenade à 2,50 € les 25 centilitres, et plus haut encore au Cours-Julien, quatre pots quatre fois cent grammes brousse de brebis du Puy Sainte-Réparade oui ça existe pour 3,50 €, à déguster avec de la gelée de coing, douze œufs gros il n’y en a plus de moyen pour 4,10 €, et pour finir ces délicates pointes d’asperges brisées, un petit lot laissé à 4,50 € par Madame Decomis, « Les ouvriers n’en prennent pas soin, et après c’est du travail en plus », j’arrête d’écrire, ça sent le brûlé, mes asperges ! elles ont cramé l’eau s’est tarie le fond est carbonisé elles cuisaient je voulais les porter à une amie convalescente, une voix me souffle, « va sortir ! ».