Au marché de Noailles, je me précipite sur les grenades d’Espagne, j’en prends sept à 2,20 € le kilo, elles ont baissé de 10 centimes, j’entends la marchande à côté s’animer contre un absent, l’invectiver un peu en l’air, -Cette espèce de pédé, (moi à voix forte) – Qu’est-ce que vous avez contre les gens qui aiment se faire enculer ? (elle maline) -Si vous les défendez, c’est que vous en êtes un, derrière les visages des marchands que j’imagine réactionnaires se durcissent, (moi avec un grand sourire) -Laissez les gens un peu vivre leur vie, -Combien je vous dois pour les grenades ?, (le marchand discret) -Moi je ne donne pas de jugement, je continue la tournée des étals, les légumes d’hiver du pays commencent à apparaître, je prends cinq petits poireaux à 1,40 € le kilo, une botte de navets blancs à 1,50 €, dix tomates, trois belles courgettes, quatre poivrons rouges, le tout du pays à 1,20 € le kilo, deux piments verts forts à 1,50 € le kilo, une botte de carottes à 1,50 €, un kilo de haricots coco rouge pour deux euros, une botte d’oignons blancs à 1,20 €, un bouquet de persil pour 60 centimes, du raisin blanc italia de Sicile à 1,20 € le kilo, du muscat de Provence à 1,50 €, dix pommes royal gala à 80 centimes le kilo, baisse de 20 centimes !, et pour finir cinq poignées de noix fraîches à 4,50 € le kilo, je repasse devant la marchande qui m’interpelle, -Vous n’êtes pas fâché au moins ?, -Vous peut-être ?, -Vous savez, chacun vit sa vie, je m’en fiche, je parle en l’air, -Oui, vous avez une grande bouche, mais au fond, je savais que vous aviez un grand cœur., -C’est ça, et voilà mes sacs remplis pour 22 €, qui dit mieux ?