Zaï zaï zaï zaï

L’été, les amis, un bon repas, une magnifique échine de porc de plus de deux kilos trouvée à l’Epicerie des saveurs à 9 € le kilo. Que faire ? Quand l’air fraîchit, elle marine avec vin et aromates, je l’accompagne d’une sauce de la colline. Mais en plein été ? L’ail me donne la clef. En éventail. Ail magique qui cru à la force de l’épice, mais qui confit révèle une douce saveur blanche à peine soufrée. Ail pilé. Ail écrasé. Ail en pulpe. Ail en crème. Ail fiché dans la viande. Ail en chemise. Quatre grosses têtes à tortiller et arracher de mon bouquet suspendu. Plus tard je trouve les légumes. Un kilo de patates douces bio d’Espagne à 5,50 €. A rôtir. Et cinq poivrons rouges à 3,50 € le kilo. A confire. Un instant, ces tarifs élevés d’un Leclerc en Berry me ramènent au marché de Noailles à Marseille. Bref, j’annonce. Échine d’été crème d’ail poivron rouge confit et patate douce.

Cuisine d’assemblage. Quelque chose de la facilité de l’été. Je vais préparer à part et dans l’ordre. Un l’échine, deux les patates douces, trois les poivrons, quatre la crème d’ail. Puis les assembler dans l’assiette au moment du service. Je place l’échine dans un plat qui lui sied. J’incise et fourre plusieurs demi gousses d’ail en divers lieux de cette pièce à l’aide d’un couteau d’office. Je veille à les répartir. Je poivre bien, je sale de gros sel à la paume. J’ajoute dans le plat quelques-unes des plus belles gousses en les laissant dans leur enveloppe. Les gousses vont confire dans le jus et la graisse pour donner l’ail en chemise. Je couvre de branches de laurier. J’arrose d’huile d’olive. J’enfourne à 180°C. Il faudra trois heures au moins. Au début à 200°C ou 180°C. Au milieu, on peut baisser entre 180°C et 150°C, pour que la chair reste bien tendre. J’arrose régulièrement de son jus. Au mieux.

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Je pèle les patates douces. De petite taille, une par assiette suffira. Je les cuis au four, entières, à l’exception d’une grosse que je détaille en rondelle. Je sale, poivre, parsème de zaatar et d’huile d’olive. J’enfourne idem. Le zaatar est un mélange libanais de thym, de sumac, et de graines de sésame. Lorsque les patates sont moelleuses, elles sont cuites. Je les retire du four. Je les réchaufferai au moment du service.

Je circoncis le pédoncule des poivrons, les coupe en deux dans le sens de la hauteur, enlève les pépins et les parties blanches à la main. Je dispose les moitiés face à face sur une plaque de cuisson. J’arrose d’un filet d’huile d’olive et enfourne idem. Lorsque la peau a noirci et a boursouflé, je les retire. Je les pèle à l’aide d’un couteau d’office et les réserve. Je les réchaufferai pour le service.

Enfin la crème d’ail ! Réalisée avec le reste des gousses, soit plus de deux têtes d’ail sur les quatre. J’ôte leurs enveloppes et les fais cuire dans l’eau. Une fois bien tendres, je les égoutte et les écrase à la spatule dans une passoire conique. Voilà la base de ma crème, une joli pulpe d’ail homogène bien blanche. Je me contente de la saler, puis je la monte au fouet avec un peu d’huile d’olive et beaucoup d’huile de colza plus neutre. La saveur de l’olive doit demeurer en deçà de la douceur de l’ail. L’émulsion prend comme une mayonnaise. Plus tard, elle tranche, je la remonte. Plus tard elle tranche encore. Échec. Je pars alors d’un jaune d’oeuf pour la remonter en y ajoutant peu à peu la crème. Cela tient. Il va de soi que que cette délicate crème d’ail ne peut être servie chaude, au mieux à température ambiante.

Au moment du service, je dispose d’abord dans chaque assiette deux moitiés de poivron l’une sur l’autre avec un peu de fleur de sel. Puis une patate douce rôtie. Puis une belle tranche de rôtie trempée dans son jus. Je place un ail en chemise sur le poivron. Enfin je dépose deux cuillerées de crème d’ail à côté de la viande.

La viande veinée de graisse est savoureuse. Salée, poivrée, aillée, elle fait contraste avec des saveurs chaudes et plus délicates. La patate douce, sucrée et fondante. Le poivron rouge, sucré et gluant. La matière de l’ail est encore là dans la crème, mais si onctueuse, si légère. J’en redemande. Je termine par la pulpe enserrée dans sa chemise.

Ce plat est le haut plateau d’un repas dédié à l’ail. En guise d’entrée, un Vouvray brut et quelques tartines suivi d’un caviar d’aubergine. Où l’ail est confit dans le citron et la mélasse de grenade. Je n’avais pas de crème de sésame. Je l’ai remplacé par de l’huile de noix locale. Le cochon fût dégusté avec un verre de rouge de la vallée de Robertson. Un Arendsig plein et chargé d’arômes comme l’été. Pour continuer, une classique pyramide de chèvre de Valençay, et une belle laitue servie avec ma vinaigrette fétiche, d’ail confit dans le vinaigre de vin rouge. Pour finir, des fraises Charlotte locales, de Luant, à 6,50 € le kilo, d’abord mises à dégorger avec un peu de cassonade. Je les disposais pour chacun dans un bol surmonté de crème Chantilly fouettée à la minute. Je remplaçais la vanille absente par un soupçon de rhum de Guadeloupe. Personne ne s’aperçut de rien. Pour accéder à la nuit, nous bûmes le café blanc, eau brûlante légèrement sucrée dans lequel on verse une cuillerée d’eau de fleur d’oranger.

 

DÎNER DU 18 JUILLET 2019

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— Vouvray brut —

Caviar d’aubergine et pain grillé

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— Robertson d’Afrique du Sud, Arendsig Cabernet Sauvignon 2017 —

Echine de porc rôtie crème d’ail poivron rouge confit patate douce

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Chèvre de Valençay, Laitue en vinaigrette à l’ail

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Fraises Charlotte et Chantilly minute

— Café blanc —

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PS. Enfant, en guise de parure, on lui passait un collier de gousses d’ail autour du cou. Pour faire fuir les vers. Entendez ceux qui démangent, font gigoter, empêchent de tenir en place. Les oxyures. Elle ne pouvait se retenir, et résister. Elle croquait et mangeait l’ail cru à pleines dents. Jusqu’à la dernière gousse. Jamais les vers ne l’ont inquiété. Toujours elle se souvient avoir aimé l’ail.

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5 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. fr.nicolas.mars dit :

    Enfin !Un bon thriller culinaire, qui vous en met plein la bouche et vous accélère le pouls à plaisir, histoire de se retrousser les babines comme un bon loup des steppes qui se respecte…5 étoiles pour l’article !!!Un bonjour fanfaron de la ville d’Arles où nous sommes pour les Rencontres Internationales de la Photographie.Plein de bises de François et JulieEnvoyé depuis mon smartphone Samsung Galaxy.

    1. Grand merci François. A long time I haven’t been writing anything. Arles, la photo, les steppes. ça pétille chez vous.

      1. malyloup dit :

        oui ça faisait longtemps et c’est ce que je me disais, il y

  2. malyloup dit :

    oups! le commentaire m’a échappé et vis sa vie! hihihi! oui je me disais, il y a peu, que j’aimerais bien te lire…..voilà qui est fait! merci Manou que cette célébration de l’ail que j’adore!

    1. Salut Maly, heureux de lire que mon texte suscite encore autant d’écho en toi. Des souvenirs d’ail à partager ? Belle journée, à l’ombre et au frais. Manou

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