Le four et le feu

Pour clore cette première semaine lyonnaise, réchauffer la maison, les corps et les cœurs, j’ai préparé un pot-au-feu. En fait deux. Car je n’aime que les grandes gamelles dans lesquelles je jette les légumes sans compter. Et quand on n’est pas chez soi, on a pas le choix. Voyant que la plus grande ne pouvait accueillir que la moitié de la chose, j’ai trouvé une large terrine ovale en fonte. Et décidai de faire deux parts. Pendant trois heures un pot serait sur le feu tandis que l’autre serait au four.

Le pot-au-feu est un bouillon de bœuf et de légumes aromatiques qui cuit longtemps. Le secret du pot-au-feu ? N’y mettre que des légumes aromatiques ! Ainsi le bouillon reste clair. Navets, céleri, poireaux, carottes. Ou plus encore, rutabagas, chou-raves, panais et topinambours. La pomme de terre n’apporte aucune saveur et sa matière est trop légère pour supporter une longue cuisson.  J’ai trouvé tous mes légumes au marché de la Croix-Rousse. Une petite boule de céleri à 2,40 € le kilo. Douze carottes à 1,60 € et 1,40 € le kilo. Et quatre navets à 1,40 € le kilo. Le bœuf vient de chez Vessière rue du mail.  Du plat-de-côtes à 9 € le kilo, du paleron à 16 € le kilo, et un superbe rondin de jarret à 11 € le kilo. Trois pièces différentes et quatre tronçons d’os offerts pour seize euros.

Je commence par choisir dans quel plat mettre la viande. Le paleron et le plat-de-côtes iront dans la marmite, le rondin dans la terrine. Je rajoute deux os dans chaque pot. Je mets le four à chauffer à 150°C environ. Je coupe la barbe des poireaux, enlève les parties vert foncées trop sèches, coupe les tiges en croix vers le haut avant de les nettoyer à l’eau, puis débite chacun en grosses sections. Une moitié dans la marmite, l’autre dans la terrine. J’arrose la marmite d’huile d’olive et la mets sur le feu pour que le bœuf dore avec le poireau. Je pèle le céleri à l’économe, le coupe en deux, puis chaque moitié en quatre. Quatre morceaux dans la gamelle, quatre morceaux dans la terrine. Je coupe le bout des carottes, les racle au fil du couteau, les passe sous l’eau et les coupe grossièrement en deux. Douze morceaux dans la marmite, douze dans la terrine. Les quatre navets, pour quoi aussi peu, eux qui sont peut-être l’âme du pot-au-feu ? je les épluche à l’économe et les coupe en deux. Quatre moitiés dans la marmite, quatre dans la terrine. Après 19 minutes, tout est coupé, je rajoute de l’eau claire et fraîche dans la marmite presque jusqu’au bord, puis je la couvre. J’arrose la terrine d’huile d’olive à son tour, y verse un peu d’eau et la place au four après avoir reposé le lourd couvercle de fonte.

34 minutes. La marmite bout. Je décale légèrement le couvercle pour éviter tout débordement. Et je baisse le feu progressivement, jusqu’au minimum, pour maintenir l’ébullition. Peu à peu, je baisse itou la température du four. Plus tard, je songe aux épices. L’occasion de retourner voir ce qui se passe dans les pots. Sur le feu et dans le four. Deux clous de girofle dans la marmite, deux dans la terrine. Trente grains de poivre noir dans la marmite, trente dans la terrine. Vingt baies de poivre blanc dans la marmite, vingt dans la terrine. Vingt graines de coriandre dans la marmite, et vingt dans la terrine. Plus tarde encore, je trouve du laurier. Deux feuilles dans la marmite, deux dans la terrine. Qu’aura-t-il manqué ? Le pot-au-feu supporterait d’autres épices chaudes comme la muscade, des plantes comme le thym, des herbes comme le persil. Une heure de cuisson, deux heures de cuisson. A près de trois heures, je rajoute un peu du bouillon de la marmite dans la terrine. Je sale. 3h38, j’arrête. Je sors la terrine du four. Les pots auront tous les deux mijotés pendant trois heures. Il est tard et ce n’est plus l’heure de manger. Nous les dégusterons demain. Dehors il fait nuit, et toute la maison sent le pot-au-feu.

Pour le déjeuner, je réchauffe et la marmite sur le feu et la terrine au four pendant une demi-heure environ. Je vérifie si le bouillon est assez salé. Je me brûle le bout de la langue, la passe immédiatement au robinet d’eau froide. La graisse qui s’accumule au-dessus du pot-au-feu retient la chaleur. Il faut s’en méfier. A table ! Nous commençons par le bouillon gras. Trois louches chacun. Il ne faut pas en abuser. Il est délicieusement parfumé, mais j’aurais pu rajouter encore de la girofle. Puis nous dégustons le pot-au-feu au feu. Dans chaque assiette, deux bouts de carotte, un de céleri, un de navet, du poireau. Une tranche de paleron, une de plat-de-côtes. Le pot-au-feu se mange avec de la moutarde, du gros sel, et du poivre que l’on met sur le bord de l’assiette. Les légumes sont fondants. Le plat-de-côtes offre une texture plus sèche, tandis que le paleron est presque moelleux. Chaque légume a gardé sa saveur. C’est un régal.

Puis nous passons à la terrine. Dans chaque assiette, deux bouts de carottes, un de navet, un de céleri, du poireau. Et une tranche de jarret. Exquis. C’est un véritable confit. Le goût de chaque légume est sucré, porté à un haut niveau d’intensité. La viande est tendre et concentrée. Nous buvons un Faugères à 10 € reconnu à la Cave Valmy rue d’Austerlitz. Sur l’écriteau, « Arômes de cistes, de cade, de figues et de fruits noirs. Structuré et élégant. »

Mais pour calmer cette violence, nous revenons aux tendres légumes plus aériens qui baignent dans le bouillon épicé. Bonne cuisine !

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