Pour fêter le retour de ma Lorraine, un classique d’hiver, chou rouge aux pommes et au lard. Un joli chou bien lourd et rutilant pris au marché du Cours Julien chez Decomis, laissé à trois euros. Des pommes reinettes grises du Canada à 1,50 € le kilo chez Malik rue des trois frères, l’équivalent d’une grosse par quart de chou. N’importe quelle pomme acide et parfumée conviendra. Et un beau morceau de lard salé, de la poitrine de cochon, du Grand Saint-Antoine à Noailles, à 17 euros le kilo. Quoi encore ? De l’oignon ? Non pas nécessaire. De l’ail oui. J’en mets deux têtes. Un quart de litre de vin rouge pour mouiller. Quatre feuilles de laurier, du poivre, du sel, deux clous de girofle, un peu de vinaigre.
Dans le fond d’une grande marmite, car le chou émincé prend du volume, je coupe le lard en tranches un peu épaisses, à feu doux avec un brin d’huile. Puis les gousses épluchées de deux têtes d’ail. Au fur et à mesure, le gras du lard commence à fondre et les gousses rissolent un peu avant l’arrivée du chou. Chou coupé en quatre quartiers. Je sectionne le pied. Je l’émince en travers. C’est l’opération la plus délicate. Il faut un grand couteau bien aiguisé et maîtriser le geste. Hop dans la marmite. Puis les pommes reinettes épluchées et coupées en demi-quartiers. Du gros sel, du poivre, quatre feuilles de laurier, deux clous de girofle pilés. Je mouille d’un quart de litre de rouge. Je porte à ébullition, laisse s’évaporer un peu l’alcool. Et je referme le couvercle. Voilà, il faut deux heures de cuisson pour que le chou devienne fondant. Je remue de temps à autre d’un geste vif en tenant la gamelle par les oreilles, sans spatule. Je goûte aux deux-tiers. Je sale et poivre à nouveau. Surtout, je décide de rectifier un peu l’acidité, de donner un peu de vigueur à la chose en ajoutant un filet de vinaigre de vin rouge.
Je ne dresse pas. Pour une belle assiette, il faudrait en plus des pommes et du lard qui parfument le chou, en faire quelques autres séparément à la poêle ou au four. Et présenter les trois éléments dans l’assiette. Le bout de lard grillé, la pomme jaune dorée, dopée à l’eau de mirabelle pourquoi pas, et le chou rouge dans son jus. Cette fois, on fait simple, trois belles cuillerées dans une assiette creuse, que j’arrose encore du jus de cuisson. Outre la belle couleur rouge violet, ce plat offre une nourriture à la fois gourmande et légère. Excellente pour l’hiver.
Le secret que me souffle tante Maïdy et dont je ne dispose pas est la graine de carvi. La prochaine fois, si les étoiles sont bien disposées. La graine de carvi ressemble au cumin, à l’anis, à la graine de fenouil, voire à la nigelle, mais elle ne se confond avec aucune de ces quatre. Déjà à Zadar, j’en avais une pressante envie. Je l’avais traduit. Rimski kim. « Cumin romain » et non simple cumin. Izgledaju vrlo slično ali su vrlo različite arome. Des arômes très différents. Je ne me souviens plus de ce que je voulais en faire. J’avais fait le tour de toutes les épiceries et supérettes du quartier. En vain. Le carvi parfume la harissa tunisienne du Cap bon à laquelle il donne son goût inimitable. Il se parsème sur le munster alsacien. Là encore on l’appelle cumin d’après l’allemand Kümmel. Car il s’agit bien d’echter Kümmel, de cumin « véritable », à distinguer du Kreuzkümmel, que la français appelle cumin. Comprenne qui pourra. Il parfume le pain noir compact, le Pumpernickel. Shakespeare en anglais caraway le propose à Falstaff sur des pommes blettes de la saison passée, au four sans doute, avant de faire une bonne sieste. On l’appelle encore cumin des prés, anis des Vosges.
Avec cette recette, j’aurais tout appris du carvi
Ou rien, car précisément il n’aura pas été cuisiné cette fois ; je suis encore passé à côté, pas trop loin non plus…