Cannelle a deux n et deux l

En ce début de janvier, je réalise trois riz au lait à la suite. Par envie. Par jeu. Par  nécessité. D’abord à la vanille. Puis à la fleur d’oranger. Je vous raconte mon troisième et dernier. A la cannelle. J’ai longtemps attendu avant d’écrire un riz au lait. Souvent je le rate. Quand la casserole où il a cuit n’est pas irrécupérable, il faut parfois plusieurs jours de trempage et de grattage pour retrouver un fond à peu près lisse. Et puis il y a de l’excès dans ce plat lié pour moi à l’extrême satiété. Une grande sérénité est nécessaire pour le réaliser puis s’en gaver en toute quiétude. Cette confiance repose d’abord dans un matériel, des choses éprouvées, sûres. Le riz au lait est un plat qui semble extrêmement simple mais qui est en fait délicat à réussir. Un riz au lait est du riz rond cuit dans du lait, avec un bâton de cannelle au début et sucré à la fin. Pour cuire mon riz, je prends la même marmite Fissler de trois litres à fond épais que je mets sur le plus petit feu de ma gazinière, au débit minimum. L’expérience montre qu’ainsi le lait chauffe de façon égale sans cramer ni déborder. Avec un litre de lait, j’utilise toujours le même verre pour avoir la dose exacte de riz. Je sais qu’elle est légèrement supérieure à 150 grammes.

Les riz de mon enfance étaient parfumés soit à la vanille soit au chocolat. A l’aide d’un sachet de sucre vanillé ou de cuillerées de chocolat Poulain en poudre. Depuis que je vis dans le sud, je le décline en vanille, cannelle et oranger. La gousse de vanille de Madagascar scindée en deux dans le lait donne une finesse incomparable au riz. Mélange de familiarité et de luxe. La fleur d’oranger est presque trop puissante pour s’accorder au lait mais elle a l’avantage de se rajouter en dernière minute, à la toute fin. Moi, je préfère le bâton de cannelle qui infuse dès la mise à chauffe du lait. A l’image du riz au lait, il est simple et tendre.

Je trouve mon lait et mon riz au Super-U de la rue Saint-Pierre. Le riz rond de Camargue Taureau ailé s’y trouve à 2,60 € le kilo, et le lait frais demi-écrémé U à 1,10 €. Souvent, je me contente d’un lait uht à 62 centimes la brique. Je ne sais plus d’où viennent les bâtons de cannelle. Il est essentielle de ne pas utiliser de poudre mais d’employer cette écorce intérieure du cannelier, entière, enroulée sur elle-même, pour qu’elle libère sa sève. Je me satisfais d’une cannelle de Chine dite fausse cannelle. J’avoue ne pas connaître encore la véritable, celle de Ceylan, cinnamomum verum.

Je mets à chauffer un litre de lait demi-écrémé dans une marmite de trois litres à fond épais à feu extrêmement doux. Et je remplis le verre élu qui donnera la dose exacte de riz, soit un peu plus de 150 grammes. Je choisis et place un bâton de cannelle dans le lait. Le lait, sans bouillir, devient lentement chaud. 22 minutes. J’ajoute le riz en pluie. Peu après, je remue, déjà pour la troisième fois. 35 minutes. Je remue encore pour séparer tous les grains de riz qui s’agglutinent, immobiles en début de cuisson. 54 minutes. Un voile s’est formé, a gonflé à la surface du lait mais rien n’a débordé ni brûlé. Il est temps de bien remuer encore. Je goût et croque plusieurs grains de riz. Il persiste un point blanc au centre. Signe qu’ils ne sont pas tout à fait cuits. 1h03. Le même phénomène de voile réapparaît. Je remue et goûte. Cette fois-ci le riz est cuit. J’ajoute cinq grandes cuillerées de sucre. Je goûte. C’est assez sucré. J’arrête le feu. Peu après, je verse le riz au lait dans un saladier de verre où il refroidira et s’affermira.

Une demi-heure après, le coeur est encore chaud mais j’opère un prélèvement sur les bords pour une enfant affamée. Une bonne heure après la cuisson, le riz est encore légèrement tiède mais il est prêt à être mangé. Deux heures donc pour ce riz simple et magnifique. Car il faut ajouter une bonne heure de refroidissement à l’heure de cuisson.

Le riz tendre, le lait devenu crémeux sont mêlés au parfum chaud et pétillant de la cannelle. Je ne mange le riz au lait que par gourmandise. Excessivement. Et quelle matière, quelle douce texture à mâcher et à avaler ! J’en prends, j’en reprends, je ne m’arrête que lorsque mon estomac tendu me dissuade d’aller plus loin. Repu. Il est bon de connaître à peu de frais ce sentiment d’extrême satiété. Folie passagère. Je me permets ce gavage en sachant que le riz se digère particulièrement bien. Enfant, j’ai plusieurs fois été malade à force de creuser et creuser dans les saladiers roses entiers de riz au lait au goûter pour à la fin les vider. Pour les réussir, Margot commençait par les cuire à l’eau et les finissait au lait. Cela leur donne une légèreté, un moelleux inimitable. Tu vas avoir le trou du cul bouché ! menaçait-elle.

Après avoir vidé encore une fois le saladier, je trouve le bâton de cannelle encore encollé de riz blanc et de crème de lait. Je le lèche de tous côtés. En insistant, en suçotant, en mordillant, je finis par goûter l’âcre sève dans toute sa puissance. La cannelle picote, pétille en bouche. Comme l’estragon astringent. Mais un doux dragon des îles. D’intensité chaude.

les-contes-de-terremer-5742

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2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Anonyme dit :

    Oh délicieux riz à la vanille de Madagascar…… mais qui n’a pas raté son riz (trop sec, trop liquide, cramé etc..)

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