Et le divin Ulysse émergea des broussailles

En deux jours, j’en ai fait deux fois, un classique de l’été, des Rosmarinkartoffeln, des pommes de terre au romarin. La première fois à la poëlle, la deuxième au four. L’envie est venue au marché de Noailles, j’avais trouvé des petites pommes de terre nouvelles de variété grenaille venant de Pertuis à un euro le kilo. Deux choses sont essentielles pour les Rosmarinkartoffeln, ne les faire qu’à la belle saison, avec des pommes de terre nouvelles dont la peau fine n’a pas besoin d’être enlevée, et n’user de romarin qu’avec générosité, par branches entières. Bien dorée, la peau légère de la pomme de terre nouvelle devient craquante et se croque comme une chips. Le romarin est très commun sur les collines de Méditerranée, et son prix ici, symbolique, à un euro le bouquet, ne tient qu’à la peine d’aller le cueillir. Placer des branches entières dans le plat de cuisson permet à l’arbuste de pénétrer les ingrédients de son essence ; au moment de servir, il suffit de les retirer. La nourriture est ainsi parfumée sans qu’il soit nécessaire de séparer ou encore d’avaler une multitude de ces petites feuilles sèches qui grattent le palais. Je mets ma grande poêle sur le feu avec une huile de friture premier prix, du tournesol. Je lave dans de l’eau froide, deux fois, une dizaine de pommes de terre grenaille, les plus petites. Je les sèche avec un linge puis je les coupe simplement en deux avant de les jeter dans la poêle. Puis simplement je pose une branche de romarin au-dessus. La chaleur diffusera peu à peu les senteurs résinées aux pommes de terre puis à l’ensemble de la cuisine et transformera votre lieu de vie en colline sauvage. Je jette encore six ou sept gousses d’ail dans la poêle, sans enlever leur peau. Elles vont ainsi confire dans ce sac naturel, deviendront onctueuses et caraméliseront. Chaque ail en chemise sera ainsi une petite confiserie à déguster à côté de la belle matière des pommes de terre. Je laisse dorer à feu doux et je reviens de temps en temps retourner les morceaux. Après quarante minutes, je m’aperçois que toutes les pommes de terre ne sont pas cuites. La chair de la variété grenaille est particulièrement ferme, compacte. Elle a besoin d’un temps plus long de cuisson. Pour accélérer les opérations, parce que la faim est là, je décide de couper grossièrement en deux à l’aide de ma spatule tous les plus gros morceaux, pas encore tout à fait cuits à la différence des plus petits. Au bout de dix minutes, soit après 50 minutes, c’est enfin prêt. J’enlève les branches. Je sale de sel fin juste avant de servir. Ce sont mes pommes de terre préférées. L’arôme puissant du romarin métamorphose la pomme de terre. Je mange l’été.

Le lendemain, je refais les mêmes au four. Disons qu’il s’agit de la recette originale. Dans le four, les senteurs du romarin sont capturés et se diffusent d’autant mieux aux pommes de terre. Sur la lèche-frite, je découpe une dizaine de pommes de terre grenaille que j’avais déjà lavées et séchées hier, sans enlever la peau. Je les coupe en sections grossières, plutôt en quarts qu’en moitiés, je tiens compte de la leçon d’hier. Mais j’aime les garder les plus larges possibles, pour avoir le bonheur de mordre dans de jolis morceaux. Puis je les arrose rapidement, irrégulièrement d’huile d’olive premier prix. J’ajoute également six gousses d’ail en chemise, sans les éplucher. Enfin, je recouvre le tout de plusieurs rameaux de romarin. Malheureusement il est déjà un peu sec. Fraîchement cueilli, il garde mieux ses feuilles. J’enfourne dans un four chaud, à 200°C, dans la partie haute, sous la seule résistance en marche. Après, j’ouvre la porte deux ou trois fois pour remuer mes morceaux et les décoller au besoin s’ils attachent. Après trois-quarts d’heure, les plus petits morceaux sont bien dorés, les autres juste cuits. Il faudrait au mieux laisser une heure mais la faim parle. Je sors les plus petits, les sale, et nous les dégustons. Le reste repart au four. La prochaine fois, je compterai une heure à four chaud, ou bien trois-quarts d’heure à four très chaud. En bouche ? C’est tendre, ferme. Ça sent la garrigue.

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