En direct de Châteauroux dans le Berry, je vous propose des harengs frais grillés au sel accompagnés de racines confites. Je les sers avec les œufs du poisson préparés en beignets. Le tout nappé d’une sauce vierge au persil. L’idée vient en passant à la Poissonnerie des Halles le mardi en ouverture de semaine. Le poisson vient d’arriver. Il est d’une fraîcheur impeccable. Les harengs d’Atlantique sont à 7 € le kilo. Mais comment le cuisiner ? En partant du très classique hareng salé pommes à l’huile, j’invente une variation pour mettre en valeur à la fois la simplicité et la force de caractère de ce poisson. Et la délicatesse due à son extrême fraîcheur. Donc le faire griller sur du gros sel, sans matières grasses. Et contraster avec la douceur de légumes d’hiver longuement cuits, très communs, la carotte et le poireau. La touche plus gourmande est apportée par le beignet des œufs. La poissonnière très experte me sélectionne sur demande uniquement des harengs femelle bien pleines en appuyant légèrement sur les côtés de l’abdomen. Je trouve mes légumes au primeur Les légumes de la ferme boulevard des marins à coté du rond-point de la Brenne. Il se fournit exclusivement auprès de producteurs locaux en agriculture biologique ou raisonnée. Le rapport qualité/prix est imbattable je crois sur l’aire castelroussine. Une carotte par personne, à 1,90 € le kilo. Et un demi-poireau par personne à 2,30 € le kilo. Mon persil plat, je le prends à la dernière minute à l’incontournable Carrefour, à un euro la botte. Il faut aussi du citron.
Je lance d’abord mes beaux légumes. Je lave et j’essuie les carottes sans enlever la peau. Je sectionne les racines du poireau, lave bien le haut après l’avoir coupé en croix pour dénicher les éclats de terre éventuels. Je place au four avec du poivre, du sel à peine et de l’huile d’olive. Une demi-heure à 200°C pour le lancer puis deux heures et demi entre 100°C et 150°C. Trois heures en tout. A la fin, je coupe chaque carotte en deux dans le sens de la longueur. J’ôte la peau sèche des poireaux et ne garde que le fondant. Poivre et huile à nouveau.
Je cuirai mes poissons avec l’arrête et je lèverai les filets à chaud. Je commence donc par inciser l’abdomen pour récupérer doucement les rogues pleines d’œufs. Puis je coupe les têtes de mes poissons en biais et j’ôte délicatement les entrailles. Je les donne au chat qui s’en régale. Le poisson est si beau que je n’ai pas besoin de le laver, à l’exception d’un. Ensuite je dégage les œufs de la fine peau de la rogue en les ouvrant délicatement puis en raclant les œufs avec la lame d’un couteau. Opération délicate ! Le chat continue de se régaler de ces restes.
Je réserve mes poissons au frais. Je prépare ma pâte à beignet. Il faudra la revoir la prochaine fois car elle n’a pas gonflé. Les beignets manquaient franchement de moelleux. J’ai mis le même volume de farine et d’œufs, puis de la crème fraîche épaisse, enfin un filet d’huile d’olive, du sel, du poivre. Et la moitié d’un sachet de levure sèche à pain, soit 4 grammes. L’appareil est un peu compact. J’en fais de petites quenelles à l’aide de deux cuillères. Cinq par personne environ. Je réserve.
Pour la sauce vierge, une émulsion d’un demi-jus de citron et d’huile d’olive à peine salée et presque saturée de persil plat finement émincé.
Peu avant le repas, je fais frire mes beignets dans une excellente huile de pépins de raisins Vigean, 7€ le litre au Carrefour de Châteauroux. Puis je les garde au chaud avec mes légumes à 150°C. Je fais griller les harengs sur un mince lit de gros sel gris. Attention à la poêle. Faute de matériel en inox, je prends d’abord une poêle traitée au téflon. C’est la catastrophe ! Le gros sel gris chauffé fortement absorbe le revêtement qui se colore en brun. Idéal pour se rendre compte du danger de ces revêtements. Je l’échange illico contre une poêle avec un revêtement céramique. Là, les choses se passent mieux. Mais attention, ce revêtement renferme aussi des additifs dont la toxicité est mal connue. Je lance donc un appel solennel à toutes les cuisines de ménage.
Bouchez-vous les oreilles aux sirènes de la publicité. Et faites un cadeau à votre porte-monnaie. Et à votre sang. Au nom du confort et de la technologie « c’est nouveau hou là ça glisse », on vous vend des ustensiles dotés de revêtements qui s’usent rapidement et sont toxiques pour la plupart. Dotez-vous plutôt d’une batterie de cuisine en inox, en fonte, en terre cuite, en verre. En matériau simple, plein, de qualité. Elle vous accompagnera de longues années. Il vous suffira de faire chauffer l’huile avant de cuisiner. Et après usage, vous laverez avec les éponges les moins abrasives, les plus douces possibles.
La cuisson des harengs se fait donc sur une poêle bien chaude. Il faut ventiler car cela fume. Quelques minutes de chaque côté. La chair au niveau de l’arête centrale doit pouvoir se décoller aisément mais rester très moelleuse, presque gluante dans le cas du hareng. Je lève les filets à chaud en pensant à retirer la nageoire dorsale. Cette manière de faire permet d’avoir un poisson quasiment sans arêtes.
Dans l’assiette chaude, je dispose les demi-carottes à l’horizontal, avec le demi-poireau entre les deux, sans espace. Je place les deux filets de hareng dessus, en travers, côté peau argentée. Quatre ou cinq beignets autour. Et j’esquisse un cercle avec la sauce vierge.
Le hareng ainsi cuit mêle des saveurs de grillé, de sel, et de moelleux rosé du côté de l’arête. Poireau et carotte apportent une douceur, une texture riche. Le tout est relevé par le citron acide et le vert métallique du persil. La simplicité, la force, la fraîcheur du hareng sont restitués. A refaire. Les beignets ou plutôt les croquettes apportent un joli complément. Mais elles doivent gagner en légèreté. Et le goût de la levure est trop prégnant. A moins d’utiliser les œufs autrement, dans un tarama onctueux.
PS. Ce titre imprononçable pour inciter les francophones exclusifs à se mettre à l’allemand, ou au hareng. Et que les locuteurs de la langue de Thomas Bernhard reconnaissent un modeste poisson dans le nom de celui qui règne sur les anneaux.
PS2. Au cours du repas, le chat après quelques hoquets vomissait le poisson avalé dans l’après-midi. Il est encore en convalescence.