Je lis récemment que le maquereau cru est un délice s’il est suffisamment frais. Je me lance dans l’aventure. Le deuxième essai fut le bon. Il fallait l’occasion. Un matin, je remarque la queue tordue du poisson sur un étal de l’Écaille d’argent à Noailles. Signe de sa raideur cadavérique, il avait été pêché dans la nuit. Pas plus cher pour autant, 5,80 € le kilo. Le jour même, j’en prépare deux. Comme une confiserie de la mer. Avec deux racines d’hiver confites et une glacée. La graisse du maquereau est peut-être la plus précieuse qui soit. C’est pourquoi elle est aussi fragile et se détériore rapidement à l’air libre en produisant la forte odeur que l’on associe à ce poisson. Travaillée et mangée dès sa sortie de l’eau, cette même chair presque sucrée est la plus onctueuse de toutes. Pour faire contrepoids à ce concentré de richesses et faire apparaître plusieurs aspects, je la sers avec trois préparations. Un confit d’oignon. Un confit cru de betterave rouge. Et un navet glacé au miel. Je commence par les légumes qui auront le temps de refroidir et je termine par lever les filets de maquereau.
Le navet glacé est un navet que l’on fait dorer à la poêle avant de rajouter un peu de vinaigre et de miel. J’épluche un navet blanc et le coupe en huit rondelles. Je les place dans une poêle assez large avec de l’huile d’olive. Un peu de sel, de poivre. Une fois qu’un côté est doré, je le retourne. Quand les bords des rondelles ont bruni des deux côtés, j’asperge d’un peu de vinaigre de cidre et rajoute une petite cuillerée de miel de garrigue. Dès que les rondelles sont bien imprégnées, je les sors et les réserve. 12 minutes. J’en goûte une peu après. C’est réussi. Le navet est resté juteux.
J’épluche un oignon blanc, le coupe en deux puis l’émince avant de le hacher grossièrement. Je réutilise la même poêle, rajoute de l’huile d’olive et fais revenir l’oignon à feu très doux. Je mélange régulièrement et veille à ce qu’il ne brûle pas. L’oignon en effet a besoin de plus d’un quart d’heure pour bien confire.
Pendant ce temps, j’élague la tête puis épluche la betterave rouge. Je la râpe à la main dans une assiette creuse avec la grille la plus fine. Attention aux éclats rouge vif ! Tout le jus ressort. Pour éviter de me râper le bout des doigts, quand la distance devient critique, je prends le morceau sur la tranche, ce qui permet de râper sans danger presque toute la racine. Je la fais confire à l’acide grâce au jus de citron. Attention à ne pas forcer la dose. L’acide de l’agrume doit juste équilibrer le sucre de la racine. Avec un demi-citron, j’exagère un peu. Un peu moins aurait suffit. Je termine en assaisonnant de sel et de poivre avant de bien mélanger le tout. 27 minutes.
Les oignons ne sont pas prêts encore mais il est temps de s’occuper des maquereaux. Je fais une entaille en biais derrière la nageoire de chaque côté avant de couper la tête. Je la jette. Puis je coupe le long de l’abdomen pour sortir les entrailles. Le poisson est frais, elles ne sentent que l’iode. Je lève ensuite les filets en incisant le long de l’arrête principale du côté droit, de la queue jusqu’à l’avant. Puis du côté gauche, de l’avant jusqu’à la queue. Je précise que je suis droitier ! Je ne garde que les filets. J’enlève tout ce qui n’est pas pure chair, parties tachées de sang, peaux internes. J’ébarbe. Puis je retire la peau. Le filet posé sur sa peau, côté queue face à moi, je passe la lame du couteau juste au dessus en zigzagant et en la tenant de l’autre main. Plus délicat qu’avec un saumon car la peau du maquereau est fine. Entretemps, mes oignons sont prêts, ils sont fondants. Je sale, poivre, et les réserve. 37 minutes. Je reviens à mes filets. Je jette la peau. Je retourne le filet et enlève les quelques parcelles argentées qui n’ont pas été enlevées. Je coupe ensuite chaque filet en deux au niveau de l’implantation des arêtes. Ce qui permet en élaguant légèrement d’un côté et de l’autre d’enlever toutes les arêtes sans avoir besoin de les épiler à la pince. 49 minutes. Mes huit demi filets sont alignés dans une assiette. Ils n’attendent plus qu’à être dressés.
Au moment de servir, je coupe chaque demi-filet en bouchées de cinq tronçons. Dans une assiette ronde, je dispose une première ligne en commençant en haut à gauche avec une rondelle de navet sur laquelle je pose une bouchée. A droite un peu d’oignon confit entouré de deux bouchées. Puis je termine avec la betterave confite entourée idem de deux bouchées. Je dispose une seconde ligne en bas de l’assiette dans l’ordre inverse. Betterave, oignon, navet. Voilà, cela manque encore de couleur, mais c’est un début. 54 minutes.
La betterave fait ressortir la crudité du maquereau, l’oignon son onctuosité et le navet sa finesse. Il est évident que le maquereau cru doit être consommé en petites quantités. Une entrée magnifique pour un repas de fête d’hiver. A condition de faire au matin la rencontre heureuse d’un maquereau absolument frais, bandé. Bonne cuisine !
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