Hier, en fin d’après-midi, après avoir bu un thé à la menthe à Noailles, je passe devant les poissonniers. Le Lamparo range ses étals. L’écaille d’argent les a rassemblé. Dans une caisse, des vives. Le poisson aux délicats reflets bleu a l’air très frais. Je me souviens avoir mangé de ce poisson dans la bouillabaisse de Loury. Mais je n’en ai jamais cuisiné. Je repars avec quatre vives pour 4 €. A 5,50 € le kilo, cela fait un euro la pièce. Et je prends au marché une dizaine de figues à 3,80 €. Je compte deux vives et deux figues par personne. Je vais essayer de faire des filets de vives avec des figues poêlées. Je me renseigne sur la vive. Après avoir préparé de la saupe et n’avoir appris que dans un second temps que le poisson pouvait avoir des effets hallucinogènes s’il était mal vidé, je prends les précautions nécessaires. Et effectivement, j’apprends que la piqûre provoquée par les épines dorsales de la vive, si elle n’est pas mortelle, est très douloureuse. C’est donc après avoir enfilé un gant de manutention de la main gauche et aiguisé un grand couteau que je décide de tailler mes filets de vive. J’incise le long de l’épine dorsale et repasse, puis sectionne au niveau de la tête. Je ne laisse sur le filet que la fine chair et la peau. De l’autre côté du poisson, je répète la même opération. Puis j’enlève la peau. Je place chaque filet côté chair, et pose trois doigts sur la peau. Le bout des doigts au bord du filet. Je fais ainsi passer la lame du couteau juste au dessous de la peau. Le contact des doigts permet de sentir la proximité avec la lame pour la guider et de ne retirer que la peau seule. Le geste est à améliorer mais je dispose à la fin de huit petits filets de vive. Je goûte la chair crue de la vive. Elle est extrêmement fine et suis certain que les japonais en raffoleraient. Toutes les parures, je les ai jetées dans une gamelle pour en faire un bouillon. Pas de risque non plus pour le bouillon puisque le venin de la vive perd ses effets avec la chaleur. Cette préparation m’a demandé trente minutes. Ensuite tout va s’enchaîner en moins de quinze minutes.
Mon envie est de proposer la vive presque nature, et de l’accompagner de figues braisées au miel. Dans une poêle sur le feu avec un peu d’huile d’olive, je jette une échalote épluchée coupée en deux et finement ciselée. Une fois dorée, je rajoute un peu de vieux vinaigre balsamique, puis une cuillerée de miel de garrigues. Je relève avec de la harissa du Cap bon. Peu à peu, le miel fond et mousse, le tout caramélise. Je coupe les quatre plus belles figues en deux et pose les huit moitiés dans le caramel côté pulpe. Pendant qu’elles braisent, je prépare une deuxième poêle avec un fond d’huile d’olive sur le feu. Je sale et poivre mes filets de vive. Un seul côté suffit. Lorsque mes figues sont prêtes, elles sont saisies en surface mais gardent un cœur rosé, je fais revenir chaque filet. Je les trempe un par un dans le fond d’huile bouillante et les retourne presque aussitôt. Dès qu’ils ne sont plus rosés, je les place dans l’assiette, en étoile. Je pose les quatre demi figues tout autour. Je finis en colorant le bord de l’assiette d’un peu de caramel.
La vive est un poisson d’une finesse extrême et cette cuisson expresse respecte sa saveur. Les figues viennent apporter tout la délicatesse de leur pulpe. Le caramel de miel corse le tout. La prochaine fois, j’essaie quelque chose de plus frais pour ces figues. Bonne cuisine !
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