Racle, racle et râpe

Vendredi midi, j’ai retrouvé le goût des délicieuses carottes râpées que je connaissais. C’est une entrée exquise qu’il est facile de rater. J’essaierai de marquer les points importants. J’ai une botte entière de carottes prise à Noailles mardi à 1,50 €. J’enlève les fanes, c’est-à-dire la verdure qui pousse à l’air hors du sol. Leur vigueur démontre que les racines viennent d’être arrachées de terre il y a peu de temps. Je coupe donc les fanes et à l’autre bout la petite racine qui prolonge la carotte. Je les lave soigneusement à l’eau froide pour les débarrasser des résidus de terre ou de sable dans lequel elles poussent. Ensuite, je les racle. J’ai bien dit racler et non râper. Car avant de râper ses carottes, il convient de les racler. Contrairement à un oignon, les carottes n’ont pas de peau qu’il suffirait simplement de décoller, et l’usage de l’économe permettrait de les peler comme une patate mais les épluchures seraient trop grosses. En effet, seule la partie la plus superficielle, celle au contact de la terre, a durci et nécessite d’être enlevée. Je place donc ma carotte dans l’évier, je la tiens fixe de la main gauche, par le gros bout, et de la main droite, je passe sur la peau le fil de la lame d’un couteau d’office, presque perpendiculaire ou légèrement incliné dans le sens de progression jusqu’à l’extrémité de la racine. Je gratte ainsi et enlève juste la quantité de peau nécessaire et préserve la plus grande partie tendre. De la main gauche, je fais pivoter le légume et recommence l’opération. En une dizaine de rotations, tout le tronc de ma carotte est raclé. Je termine en renouvelant rapidement l’opération pour le petit puis pour le gros bout de la carotte en vérifiant que toute la surface a bien été grattée. Idem donc pour la dizaine de carottes qui compose la botte. Ensuite il s’agit bien de râper les carottes, c’est-à-dire de les réduire en petits filaments qui seront beaucoup plus faciles à digérer. La carotte est un des légumes les plus longs à cuire. D’où l’expression « Les carottes sont cuites. ». Il est donc normal qu’elles aient besoin d’être râpées finement quand elles sont mangées crues. Et c’est pourquoi il faut utiliser la râpe aux bons trous. Si les trous sont trop petits, si vous prenez la râpe à fromage, vous n’obtiendrez, et difficilement, qu’une sorte de purée de carotte informe. Si les trous sont trop gros, si vous utilisez la râpe à céleri, les filaments de carottes obtenus seront trop grossiers et ne laisseront pas exprimer leur jus. Votre salade de carotte sera sèche. La bonne râpe à carotte produit des filaments dans lesquels ressort à la fois le bon jus de la carotte et le plaisir de croquer dans la racine. Malheur à moi, je ne me suis pas encore procuré ce trépied magique pourvu d’une manivelle et que j’ai vu si souvent trôner sur la table de la cuisine de mon enfance, et qui avec la main gauche qui contenait et pressait les bouts de carottes dans le réservoir, et la main droite qui tournait la manivelle, produisait ce bruit si singulier de doux et sourd abrasage, interrompu seulement par le réservoir qui se vidait et qu’il fallait remplir. J’apprends aujourd’hui qu’il porte le doux nom de râpe taupe. Je n’ai pour l’instant qu’une râpe électrique qui fait beaucoup de bruit pour rien, mais remplit son office. Après avoir passé les carottes dans la machine, là aussi, les choses ne vont pas de soi, il faut pousser avec force les carottes dans le pressoir sans quoi la râpe tourne à vide, je les ai mises dans un grand saladier et j’ai préparé une vinaigrette. Les précautions pour confire l’ail ou l’échalote comme avec une salade verte ne sont pas de mise ici. L’ail ne convient pas à la carotte. Je prépare une vinaigrette à l’échalote et au citron. J’épluche deux échalotes que je coupe finement en petits cubes au dessus de mon saladier. Je presse un jus de citron, je l’ajoute aux carottes avec sa pulpe en évitant que n’y tombent aussi les pépins. Parce que le citron n’est pas assez acide, j’ajoute une cuillerée à soupe de vinaigre. Je sale de sel fin et poivre. La règle de mettre beaucoup plus d’huile que de vinaigre ou de jus acide dans une vinaigrette reste valable. Pour que mes carottes ne ressemblent pas à des carottes diététiques acides d’hôpital, je verse donc trois cuillerées d’huile de tournesol bio, puis deux cuillerées d’olive bio. Il faut préparer ses carottes au minimum un quart d’heure avant de les servir. Les filaments de carottes ont ainsi le temps de dégorger. Pendant ce quart d’heure, je les retourne deux ou trois fois pour que le jus ainsi exprimée se mêle aux saveurs de la vinaigrette. Avec du pain frais, le résultat est un bonheur. Ça croque, ça jute, c’est acide et savoureux. Ça ouvre le repas. C’est orange. Bonne cuisine !

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2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. labaki dit :

    la Carotte ..c est un peu le legume prefere des Labaki..je vois qu elle a ete preservee pour cette recette.. Bravo!

  2. Paulie dit :

    Les carottes râpées, c’est délicieux et le plus dur est la vinaigrette …. Il faut qu’il y ait du peps, trop d’huiles ça ne donne pas envie et gâche le goût de la carotte, en revanche bien vinaigrée, bien citronnée et c’est le paradis et l’échalote est de mise ! Encore une fois en te lisant, Manu, j’en ai l’eau à la bouche !

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